L'équipe vue comme un être vivant
La loi de l’Ambivalence postule l’existence, dans toute réalité vivante, de deux faces opposées ou complémentaires, co-existantes et antagonistes. En tant que co-existantes, elles forment un tout harmonieux, en tant qu’antagonistes elles sont sources de dynamisme aussi destructeur que constructeur. Ainsi est faite une équipe.
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Ambivalence ordre / désordre
L’être vivant est à la fois rigoureusement organisé, ordonné, structuré et structurant (ordre, néguentropie), et à la fois producteur de désordre et menacé perpétuellement de dégénérescence (désordre, bruit, usure, entropie).
Quand il fonctionne à « plein régime », il se tient, comme dit E. MORIN à propos de sa pensée complexe, "à la température de sa propre destruction".
Dans sa relation avec l’extérieur, il apporte une certaine mise en forme (information) et en même temps des perturbations (désordre, bruit) – ceux qui ont des enfants en savent quelque chose – surtout si rien ne vient le limiter dans son hégémonie naturellement égocentrique.
Il a ainsi besoin de liberté, d’espace où s’exprimer pour être, mais également de limites et points de repères, de structures qui ne bougent pas : d’où un permanent mélange de turbulence contestataire et d’immobilisme qui déroute souvent l’observateur.
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Ambivalence prévisible / aléatoire
L’être vivant, doué d’une personnalité propre, a des comportements repérables et compréhensibles (obéissant à des lois) : quand on le connaît bien, on peut prévoir ses réactions, décoder les signes qu’il émet et s’y adapter pour entrer en relation avec lui (ainsi seront applicables des techniques d’animation).
Mais en même temps, le nouveau, l’imprévu, l’aléatoire peuvent toujours surgir, perturbateurs ou créateurs ; pour ce pilote (lui-même être vivant, donc à la fois prévisible et imprévisible) conscient du phénomène, cela va demander une grande faculté d’adaptation et d’improvisation sur l’instant pour accompagner des processus dont, parfois, chacun ignore où ils vont passer et ce qui va en résulter.
Cela suppose une bonne capacité personnelle à tolérer l’angoisse de l’inconnu et la possibilité toujours présente d’une erreur ou d’un échec. Le mythe du défaut zéro, de la qualité totale (…) doit bien être identifié comme un mythe, un idéal vers lequel tendre mais dont la réalisation ne peut survenir que par moments bénis ! (l’état de grâce en quelque sorte).
Ainsi apprendra-t-on lucidement, par la finesse du pilotage de l’équipe, à faire en sorte que les imprévus (intérieurs et extérieurs) participent autant que possible à la réussite finale, ou du moins, ne lui fassent pas obstacle majeur.
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Ambivalence autonomie / dépendance
La dépendance totale à l’égard du pilote n’existe pas, ce qui est dit par l’adage « les cimetières sont pleins de gens indispensables ». N’existe pas plus l’autonomie totale exprimée dans le mythe de l’autogestion, le rêve de l’abolition définitive de toute hiérarchie.
Les deux composantes sont là : le groupe, à la fois, dépend étroitement de son environnement et de son pilote, mais il a également ses propres systèmes d’auto-régulation, auto-gestion, auto-correction, auto-guérison, dont il s’agira de favoriser le développement (libérateurs de temps et d’énergie pour le pilote) sans pour autant abandonner complètement le groupe à lui-même.
Là réside l’art de l’animation : savoir répondre au besoin d’impulsion et d’encadrement tout en laissant se déployer, dans les vides laissés au groupe, les phénomènes autonomisants.
Outre l’extrême richesse créative résultant de ce fonctionnement autonome, cette capacité va être essentielle pour :
- libérer le pilote de tâches de plus en plus déléguées au groupe,
- remédier aux inévitables manques et erreurs grâce aux relais et complémentarités qui se manifestent spontanément dans le groupe, si le pilote sait les percevoir et les laisser fonctionner. La nature ayant horreur du vide : là où il y a des manques, des déchirures, des processus se déclenchent tous seuls pour combler ou réparer, le groupe étant « une totalité autocicatrisante » (cf. Grégory Bateson).
Pour voir et déchiffrer correctement ces phénomènes, le travail accompli au cours des stages et les outils proposés par la Méthode Chamming's® sont particulièrement précis et pertinents.